Une philosophie orientée art - William Laforge (School of Visual Arts, NYC/Institut Acte Paris I Panthéon-Sorbonne)

Wilfried Laforge, Une philosophie orientée art

L’usage que les artistes ont fait de la philosophie, jusqu’à la modernité, s’est inscrit dans des cadres relativement diffus et homogènes.
Cartésiens à l’Âge classique, tour à tour bergsoniens, nietzschéens ou existentialistes sous la modernité, les artistes ont mobilisé, notamment durant la première moitié du XXe siècle, des approches philosophiques permettant de définir le lien des arts aux limites et aux possibilités de leurs matériaux.

L’avènement de l’art contemporain a marqué une rupture avec ces cadres unifiés. Riche est la littérature qui souligne la relation inédite qui s’est tissée, dès les prémisses de l’art contemporain, entre le pragmatisme et le Black Mountain College – pour penser des questions liées à la démocratie et à l’éducation – puis, à l’aube des années soixante, comme un outil permettant de transposer les pratiques modernistes dans le réel sous ses aspects les plus prosaïques.

Une enquête reste à mener pour montrer que l’usage de la philosophie par les artistes dépasse la seule légitimation de pratiques naissantes en rupture avec l’ontologie traditionnelle de l’œuvre d’art. Le scepticisme de Duchamp, l’influence des language games wittgensteiniens chez Nauman ou encore la présence de catégories thomasiennes dans l’œuvre de Dan Flavin sont autant d’indices révélant des modalités d’emprunt à la philosophie poursuivant des visées très diverses. Les récents emprunts aux divers « nouveaux réalismes », rappellent quant à eux que les artistes contemporains se sont tournés bien davantage vers la métaphysique que vers l’esthétique.

Il s’agit donc d’éclairer les formes d’appropriation philosophique par les artistes – d’identifier d’éventuels « styles philosophiques » dans la création contemporaine et, réciproquement, se demander ce que les philosophes peuvent apprendre de l’art en écoutant la manière dont y résonnent les concepts dont ils sont les auteurs